La bataille des bois, un nouveau front dans les Ardennes
Depuis 2018, la situation forestière ardennaise est en ébullition. Entre respect de la biodiversité et productivisme, deux modèles de gestion sylvicole s’opposent. Raphaël Kieffert, technicien forestier ONF - membre du Snupfen Solidaires*, explique une situation aux intérêts divergents
Dans les Ardennes, en région Grand Est, les essences de résineux représentent 25 % du massif forestier. Plus rentables pour la filière bois grâce à leur pousse rapide, ils ont été plantés en monoculture afin de maitriser une production homogène, rapidement commercialisable.
Dans un monde idéal, cette orientation productiviste pourrait se concevoir. Cependant, dans un contexte de réchauffement climatique, ces excès de plantations « artificielles » montrent leurs limites. La rencontre de Raphaël Kieffert, technicien forestier ONF, membre du Snupfen Solidaires, apporte des précisions sur les difficultés auxquelles la filière bois est confrontée.
Il évoque les différents risques des systèmes d’exploitation entrepris depuis de nombreuses années. C’est le cas notamment depuis 2018, environ 30% des forêts d’épicéas sont abattues en « coupe rase » afin d’éradiquer l’invasion d’un parasite xylophage, le scolyte. Les conditions climatiques plus chaudes et sèches affaiblissent la santé des épicéas au point de les rendre vulnérables à ce coléoptère.
Même si cette situation est conjoncturelle, elle interpelle le technicien forestier qui explique l’importance d’une gestion raisonnée sur l’ensemble de la filière bois. Depuis la production, le modèle productiviste en monoculture n’est pas compatible avec la protection de la biodiversité. Lors de la transformation, la concentration des exploitants et des scieries s’enracinent dans le cercle vicieux du productivisme. Les conséquences directes sont des volumes de bois pléthoriques qui perturbent les marchés. Les exportations de bois brut sont légion au détriment de la transformation locale. Ainsi des conteneurs de grumes sortent du territoire pour revenir en meubles bon marché.
Matériau pondéreux, le bois est propice à une exploitation locale où la création de valeur serait la juste rémunération des acteurs économiques locaux. “Cependant, la prise en compte du temps long nécessaire au développement végétal et de l’écosystème de la forêt est loin d’être une évidence pour tout le monde”, déplore le syndicaliste forestier.
* Snupfen Solidaires : Syndicat National Unifié des Personnels des Forêts et de l’Espace Naturel, affilié à Union syndicale Solidaires.
Texte et photos : Jean-Marie Leclère